Je suis une éternelle sādhaka

Septembre.

Fin de l’été.

C’est la rentrée !

Voici venu pour les écolier·ères le temps de reprendre le chemin de l’école.

Voici venu pour les professeur·es le moment de se réapproprier leurs missions, dont celle ô combien délicate de transmettre.

L’enseignement est une tâche délicate. Il ne s’agit pas seulement de dérouler le cadre, le contenu, le programme. Il ne s’agit pas seulement d’expliquer les enjeux, d’exposer une approche, de délivrer une connaissance durement acquise. Il ne s’agit pas seulement de proposer une démarche d’apprentissage ou une stratégie de réussite. Il ne s’agit pas seulement d’accompagner, de rester à l’écoute et au soin des apprenant·es, de rester dans l’attention et l’observation active de leur évolution.

Parce que le cœur de mon activité consiste à transmettre les principes de la philosophie du Yoga, du bouddhisme et de l’hindouisme, l’enseignement est à mes yeux une question de nourriture. C’est en effet bien connu : pour pouvoir nourrir l’autre, il convient au préalable de se nourrir soi.

Je ne transmets que ce que j’expérimente, je ne transmets que ce que je vis. Je transmets ce que j’ai moi-même reçu et intégré. Car si je suis une professeure pour certain·es, je suis en premier lieu et avant tout une apprenante.

Je suis une sādhaka.

Certaines personnes pourraient être surprises, étonnées, peut-être choquées, de me voir assister à des cours de yoga dans lesquels elles sont élèves elles aussi. Elles devraient au contraire en être rassurées : nous sommes et resterons d’éternel·les apprenant·es.

Je ne transmets que ce que mon corps et mon cœur savent. Je ne peux transmettre en authenticité sans avoir la conviction qu’au plus profond de mes cellules et mes neurones s’est inscrite la mémoire d’un mouvement, d’une respiration ou d’une méditation.

Je transmets ce qui me touche, me fait vibrer, me libère, m’inspire et m’aligne.

Réside à cet endroit quelque chose d’unique et même, j’ose l’écrire, de magique : nourrir mes élèves me nourrit. J’aime penser que nous nous enrichissons mutuellement à travers nos failles, nos espérances, nos mémoires de vie et nos regards. Advient alors la réalité suivante : mes élèves sont mes maîtres.

J’apprends grâce à eux·elles, j’existe grâce à eux·elles ; je trouve dans leurs sourires, leurs regards et leur façon de s’émouvoir/se mouvoir une infinité d’univers.

Par-delà la verticalité fondamentale - et nécessaire - que l’esprit rationnel a énoncé en ces termes : l’élève suit le maître, j’ai envie d’offrir un horizon plus large au rapport de transmission. Cet horizon pourrait s’écrire comme suit :

Les élèves font les maîtres - les maîtres sont les élèves.

C’est donc la rentrée pour moi aussi. L’heure de revenir au tapis, à l’écoute, à la posture de l’apprenante. Parce que l’apprentissage est un mode de vie, une voie qui doit inspirer nos individualités pour enrichir et prendre soin de notre collectif.

Tout comme vous, chers·chères élèves, je suis une éternelle sādhaka. Aspirant, comme chacun·e d’entre nous, à la découverte et l’élévation. Me nourrir pour vous nourrir, vous nourrir pour que vous me nourrissiez à votre tour. Chaque petite graine vient nourrir quelque chose en nous. Chaque petite graine est une énergie nouvelle qui s’ensemence à l’intérieur de nous, se loge dans un espace destiné à l’accueillir ; parfois inattendu, inespéré ou impromptu.

La curiosité cède alors la place à l’intégration profonde du savoir. C’est ici, à cet endroit et seulement ici, que l’enseignement déploie sa véritable force - une force cachée : ce que nous apprenons réellement n’est pas ce qui nous a été transmis au départ.

Sans en avoir conscience, nous avons transformé le savoir reçu en une expérience vécue. Point de départ d’une nouvelle dimension de l’apprentissage qui élargira encore la ligne d’horizon :

L’élève devient son propre maître.

Prière à l’Univers :

Puisse notre nourriture commune se répandre tout autour de nous, se laisser porter par le vent et atteindre les cœurs habités par la tristesse et la souffrance.

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