Changement de cadre pour un changement de pratique : Du salon à la chambre.
Cela peut paraître stupide, pourtant, c’est différent.
Je ne reconnais plus l’environnement dans lequel mon corps se meut. Les meubles autour de moi, l’odeur douce des draps, la lumière feutrée du début de l’après-midi,… tout me propulse dans le champ de l’intime et du confidentiel. Les livres, le petit bureau d’occasion à la peinture rouge élimée, ce petit bureau sur lequel j’écris, je lis, j’étudie et je pense, la disposition rationnelle des tables de chevet et du lit - optimisation maximale de l’espace intérieur parisien.
Le mur blanc en face de moi accueille mon dos, puis mes pieds, puis mon corps en inversion. D’ici, la perspective est revisitée : je ne vois plus ces arbres grandioses qui habituellement inondent mon salon de vert ; je scrute l’espace sous le lit fait de vide, de poussière et de nuit. J’y vois un univers de possibles : la cachette, l’immensément petit, le jardin secret de l’enfance,… Les petits endroits font les grands mystères.
Le chat m’observe de la terrasse, curieux de cette danse improvisée. Je respire amplement, longuement, comme pour agrandir cette pièce-cocon. Mais j’en aime l’intimité. Elle modifie mon appréhension de l’espace : distance de mes pieds au mur, distance de ma tête aux meubles, distance de mes bras au plafond, distance de mon inspire à l’expire.
Changer de lieu, c’est changer sa pratique. C’est incarner une nouvelle dimension de son être.
A peine mon corps commence-t-il à se vider de lui-même que de nouvelles images et sensations font surface. Rien de pesant, rien qui ne vienne surcharger le mental. Au contraire : tout n’est que fluidité et conscience naturelle, bues par chacune de mes cellules au repos.
Des idées qui se tissent dans mon cerveau enfin disponible pour autre chose qu’une pratique de routine.
La routine - quel mot affreux ! Et pourtant : je n’en suis pas à l’abri, pas plus que n’importe qui. C’est ça aussi, changer de cadre : se rappeler les dangers de ce que l’on croit acquis. Mesurer l’étendue de ses habitudes, démanteler les pièges de ce confort quotidien dans lequel je m’enlise parfois. J’ai besoin de faire exploser le cadre pour faire exploser mes convictions.
Une sorte de réappropriation de moi-même.
Mais là, tout se réorganise, s’intègre différemment à mesure que la respiration prend le dessus sur l’univers corporel. Je m’évapore, je m’abandonne dans la fixité du cadre.
Un chant au loin parvient à mes oreilles. Écoute. Profite. Ramène la conscience dans le délice de l’instant.
Ça change, bien sûr. C’est le but. S’ouvrir à la différence. Apprécier l’inconnu. Ce que je découvre ailleurs, je le découvre en moi-même.