Hommage à la Forêt Noire

Près de Hornberg, Baden-Württemberg, Allemagne

Cette nuit, je marche sur tes chemins nébuleux.

Subjuguée par la majesté folle de tes gardiens de sève.

    Érection vers le ciel.

                      Verticalité parfaite.

Axis Mundi. Puissance et ancrage.

Comment peuvent-ils se tenir aussi droit sur tes sols accidentés ?

Des géants à perte de vue…

Dessinent un lourd rideau de nuit devant mes yeux trop habitués aux lumières artificielles.

La lune est pleine, le ciel est nu, le torrent crie de joie.

Dernière pleine lune de l’hiver.

Vierge.

La nature gronde sa vitalité enfin retrouvée.

Un cycle s’achève.

Dans la douce clarté de la nuit.

***

Tu sembles impénétrable et hermétique. Déterminée à nous laisser sur tes rives. A nous abandonner là, dans la froideur du soir.

Ton cœur n’est pas à ravir. Tes secrets sont bien gardés : les géants de résine veillent.

Leur parfum m’envahit, inonde mes poumons, me guérit de l’hiver. Les maux de ma poitrine s’envolent. Légèreté. Vie à l’état pur : la terre et les racines remplacent mes souvenirs d’asphalte.

Les ombres de la nuit sont ma férocité. Besoin de me laisser vivre ; sortir de moi-même ; exploser.

Oserais-je un jour te déchiffrer ? M’aventurer en ton sein ?

Ou dois-je me résigner à rester en dehors ?

Ne jamais pouvoir faire corps avec toi. Me contenter de tes abords, sans pénétrer ta vérité.

Car tu es trop belle, trop sauvage, trop vaste. Te gravir serait profanation.

Il est de ces mystères qui embrassent l’éternité.

***

Au-delà de cette apparente hostilité, la tendresse perce malgré toi. 

Elle est dans la mousse soyeuse qui tapisse tes sols et recouvre ta roche.

Elle est dans chaque pli du ruisseau qui traverse le vallon.

Elle se cache sous les premières fleurs de printemps.

Ta beauté me saisit, irait presque jusqu’à me blesser tant elle s’impose à mes sens. Cette pureté de l’hiver, toute cette vie qui sonne le froid, et ce sentiment de peur écrasé dans les blancs flocons, toute cette pureté fait pleurer mon corps et hurler mon cœur d’une joie fébrile et vorace. Je songe à ces longues années écoulées loin de toi. A tout ce temps écartelée entre les pôles Nord et Sud, loin de cette connaissance de toi. Je songe à tout ce que mon enfance a été. Espiègle. Libre. Pépites de rêves éveillés, égarées au seuil de l’âge adulte.

Éparpillée.

Dans le Grand Tournoiement.

Pépites de rêves enfin retrouvées dans le bleu-vert de tes entrailles, quelque part sous les rugissements roux de ta fourrure.

Enfance. Moment présent. Avoir grandi. Grandir encore. Explorer les forces qui t’habitent.

Le minéral est chez toi cryptique. Il y a des pierres qui parlent, d’autres qui rient à gorge déployée. Toutes sont mes guides.

Les échos de la nuit dans le bavardage de la canopée.

Un mantra. Une initiation.

La quiétude du présent éternel. 

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