Essai : écriture intuitive

Ce que je te propose aujourd’hui n’a rien à voir avec une écriture logique, consensuelle, faite de mots, de phrases et d’idées harmonieusement assemblées, dont le sens s’imposerait naturellement, en toute fluidité et transparence.

Ce que je te propose aujourd’hui a plutôt à voir avec l’expérience charnelle de l’acte d’écriture, comme une mise en verbe spontanée à laquelle le cerveau est étranger. Il n’y a pas d’écriture sans langage, mais quand le langage ne suffit pas à retranscrire la pensée, comment procéder ? Que faire ?

Y a-t-il même quelque chose à faire ?

Le langage s’arrête là où l’intuition commence. Ce que sait mon intuition, le langage ne peut rien en saisir. J’ai pourtant tant de plaisir à évoquer ce que mon âme comprend avant tout le reste - le corps, le cerveau, etc. L’évocation est pour moi une forme de sensualité : c’est dans le dévoilement pudique et maîtrisé que réside le désir.

J’essaie alors de comprendre l’intuition.

Conviction germant d’une idée, pensée, image, sensation.

L’évoquer avec les mots - faibles outils. Insuffisants.

Mais l’évoquer avec mon corps… Là : révélation. Ma chair toute entière vibre, pleine de sous-entendus, d’implicite et de tensions.

Le langage structure la pensée mais qu’est-ce qui structure le langage ? Graphèmes, morphèmes, signifiants, signifiés et on se retrouve à bouffer du Saussure pour expliquer cette ingéniosité sans précédent du cerveau humain.

Quelle folie !

Et cette hybridité fondamentale…

Quelle folie !

J’ai encore tant à apprendre sur mes conditionnements, mes peurs et mes vertiges. J’essaie de faire de la place aux idées, à la nouveauté, l’inconnu, là où le monde s’arrête de tourner. Je crois qu’il y a dans l’acte charnel d’écriture un chemin à explorer pour naviguer en eau claire.

Cela commence timidement par l’association surprenante de termes incompatibles. Oxymores, figures d’opposition, puis rupture du rythme, malmenage du phrasé, démontage du lexique, brisure de la syntaxe ; tout-ça tout-ça, on connaît, on connaît. J’invente rien, je recycle.

Mais faire le grands plongeon dans l’océan noir de mon intériorité…

Mots se formant dans une tête pleine, trop pleine. Qu’en ressort-il quand les doigts dansent librement sur le clavier ? Quand la main court innocemment sur le papier ?

Mots qui se forment et se tissent et se lissent et s’écrivent et s’emboîtent et se plaisent et, et, et. Appréhende ton bonheur à travers le malheur d’avoir perdu le sens et la raison. La raison est chiante à crever là où l’intuition fait vibrer ces parties insoupçonnées de toi. Mais là, gros problème : qu’est-ce que le Toi, qu’est-ce que le Moi ? Gros bordel métaphysique que je n’ai pas envie de résoudre maintenant.

Là, pour le moment, j’ai juste envie d’écrire sans réfléchir et laisser pourquoi pas gérer les choses flotter la vie sans ponctuation sans interruption juste le flot de pensées se déverser c’est le matin presque trop tôt pour réfléchir s’endormir au soleil et le clapotis de l’eau dans l’évier c’est encore trop rationnel déconstruis mais pourquoi ?

Parce que tu as besoin d’aller fouiller au-delà de ce que tu connais mais la connaissance c’est la vie erreur jugement fondement halte respire les

lunettes

grossissantes de la vie le

marché mur trop haut poutre. . rongée par l’aigle

ça y est ça commence à lâcher

bordel le sang sur le lit trop

cliché

                                                           envienonenvie

- le sexe réflexe -

tout-va à temps plein

(a)temporel         accélère le mouvement de ta                                    course

infernale c’est                         banal      la vie                                                              l’océan

le zénith

le trésor

d’un ciel

                                    orange

sans lumière

sombrer

s’estomper

s’incarner rigoler farandole on est fous on s’amuse on noircit le chat trois petit points

encore oui encore non

et puis rassure-moi le grand saut vide ulcéré quémande ta faim poursuivre

l’art est politique

j’insiste?

on va grandir se ternir s’effleurer

je fautif fragilement à toi

de voir y a-t-il une suite ! point final.

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Intériorisation du départ